samedi 12 mai 2007

" On va manger une raclée! "

Pour rajouter de l'ostinage sur l'huile du feu...

On critique l'ASSÉ sur son avant-gardisme. Plus je médite sur ce qu'a écrit Zym, plus je suis d'accord. Contrairement à lui, je m'en fous que l'ASSÉ déclare "déclencher la grève" 6 mois avant la première barricade. Cependant, je crois qu'il a raison quand il dit que le mouvement étudiant, c'est des gangs qui se cachent derrière des AG plus ou moins représentatives.

ASSÉ plus proche de la base que les FECQ-FEUQ? En fait, c'est facile de convaincre une trentaine de personnes de voter pour la grève dans un Congrès spécial sur la grève. C'est un peu plus tordu de convaincre une trentaine de personnes dans un AG au mois d'avril de prendre un "mandat de grève". Le vrai défi consiste à faire déclencher une grève avec une AG de 1000 personnes. Et encore... la vrai question est de savoir si la grève peut s'étendre à l'extérieur des poches de radicalité, c'est-à-dire dans plus de trente cégeps et dans les universités de toutes les régions.

Je suis enthousiaste de voir des grosses manifs pour la gratuité scolaire, de voir l'ASSÉ qui décide de résister et de lancer des appels démesurés à la grève sociale généralisée. Cependant, croire que la gratuité scolaire peut advenir par une grève étudiante devant un gouvernement PLQ-ADQ, c'est de rêver un peu fort. Je ne parle plus de l'idée juste, de la récupération ou du syndicalisme de combat, j'aimerais qu'on parle de stratégie. La jeunesse doit sans doute "exiger l'impossible". Seulement, y'a des spectres qui rôdent dans la gauche étudiante depuis des lunes. Eux, ils n'ont pas d'excuses pour ne pas apprendre de leurs erreurs.

Elle est où la CASSÉE? L'Assemblée étudiante? La revendication unitaire? L'ASSÉ ne gagnera rien si elle pense pouvoir lutter sur la base de ses 40 000 membres et ses 40 militantes et militants. Par pur acharnement dogmatique, y'a des bornés qui vont saborder la seule force combative pouvant déclencher un mouvement combatif pour le droit à l'éducation. Et cela, dans le but d'avoir une porte-parole qui porte des dreads, de sauvegarder leurs plantes-bandes anarcho-maoïstes et leur carré de sable sur Berri-Ste-Catherine.

D'un point de vue plus politologique, il y a d'autres raisons pourquoi le mouvement étudiant québécois va manger une raclée. On est en train de perdre la guerre de idées. D'abord, les "esprits raisonnables" qui font des analyses dans nos médias ont depuis longtemps choisi leur camp: le dégel. De ce fait, la population québécoise est divisée sur la question, contrairement à 2005, où elle appuyait la lutte pour les prêts et bourses. Uniquement des médias bourgeois? En février, le caucus de la CADEUL a adopté majoritairement la position de l'indexation des frais de scolarité. Il a fallu une Assemblée générale pour renverser la décision (sauvé-e-s par la démocratie!). Cela montre une chose: dans les trois quarts des facultés de l'Université Laval, on part à -10. Cela inclut des facultés qui ont fait la grève en 2005, comme médecine ou littérature.

De manière plus générale, le mouvement social s'est écrasé et n'a jamais réussi à sortir du "Charest-patatouf". Pour plusieurs raisons, la gauche est embourbée dans une position consensuelle du "faut faire attention aux pauvres". De ce fait, on entre dans la logique des solutions positives et la promotion des avantages économiques des "programmes sociaux". Les argumentaires du type "quel pourcentage de jeunes du cinquième sous-quintile fréquentent les cours avec ou non une bourse pondérée au rendement scolaire" ça mène nulle part. Pas plus que "la productivité et le niveau des salaires des générations futures du Québec seront compétitifs si elles sont éduquées supérieurement".

On va manger un raclée parce qu'on ne sait plus défendre la société, on ne lutte que pour des causes. Les 130 millions, c'était défendre la cause des étudiants "les plus pauvres", la gratuité scolaire (ou le gel par défaut) c'est défendre la société.

J'ai hâte qu'on mette la table pour qu'on puisse enfin parler à partir de la gauche. Au-delà des statistiques, l'important demeure l'universalité de l'éducation, l'équité et la lutte sociale. S'adresser aux futurs travailleurs et travailleuses (et aux actuelles)! Est-ce trop compliqué de parler des salaires qui ne cessent de baisser même chez les futurs diplômés? Que les dettes d'études vont aggraver le problème? Que de vendre son capital humain ne sert que les pouvoirs financiers qui nous mettent en compétition les uns les autres pour s'approprier le savoir? Qu'avant d'être une couleur, l'écologie c'est de vivre en équilibre dans son milieu, ce qui inclut son milieu social.

Comme d'habitude, je replace le débat sur le plancher austère de la rationalité, désolé. En attendant vos commentaires...

2 commentaires:

Simon le champion a dit...

Mon cher Beizerno, on pourrait peut-être fonder une tendance casse-couille-rabat-joie à l'intérieur de l'Unipop? Je suis pas mal entièrement d'accord avec tout ce que t'as écris (en fait jusqu'à ton argument : "la gauche est embourbée dans une position consensuelle du "faut faire attention aux pauvres"." Là je ne saurais trop quoi penser pour l'instant)
En fait ce commentaire a surtout pour but de signifier que je viens de me souvenir que tu avais créé ce blog et que je vais tenter de contribuer à la maintenir vivant. Je pense que si je n'avais pas autant humilié Philôme il y a quelque temps, il pourrait avoir envie de contribuer mais là, il est comme reclu, refusant de sortir de sa bulle...

Beizerno a dit...

C'est cool que toi, tu sois sorti de ta bulle!
Pour le commentaire "attention aux pauvres": j'avoue que c'est un peu polémique! Voici mon explication: en utilisant seulement l'argument que les programmes sociaux aident les plus démunis, on peut facilement tomber dans la logique des politiques néolibérales qui disent: laissons le "système rouler" et compensons uniquement pour les plus pauvres ou les plus discriminés.
Exemple: Beaucoup de gens sont aujourd'hui convaincus que les prêts et bourses sont la seule et meilleure manière de favoriser l'accessibilité à l'université. Exit la gratuité, la qualité et l'universalité. À défendre le gel sans perspective ou les bourses pour les étudiants les plus pauvres, on termine tranquillement par être acculé au pied du mur du mouvement de droite.