dimanche 30 janvier 2011

Pyrolyse du bois, agriculture et climat

Salut!
Voici un message originalement écrit en m'adressant à Fred mais que je crois pourrais en intéresser d'autres.

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Voici quelques choses que je suis en train d’étudier. Dis-moi si tu connais ça, si tu peux m’aider à en savoir plus. Je commence par t’expliquer des choses sur notre système de chauffage pour ensuite aborder des questions agricoles.

Nous chauffons la plus grande partie de notre maison avec une fournaise à bois qui fait chauffer de l’eau qui circule ensuite dans les planchers. L’eau chaude n’est pas entreposée dans un réservoir; la quantité d’eau est petite et est mise en circulation immédiatement. Pour contrôler la température de l’eau (et donc de la maison), c’est l’entrée d’air du feu de la fournaise qui est contrôlée. Si l’eau n’est pas assez chaude, la pompe qui la fait circuler s’arrête et l’entrée d’air est ouverte automatiquement : le feu s’active et la réchauffe. L’effet de ce système est un «feu» à intensité variante, dont une phase lente qui continue de «brûler» avec très peu d’oxygène (quand l’entrée d’air est fermée). À son tour, ceci, combiné au fait que j’utilise du bois insuffisamment séché, cause la formation de liquide et de pâte et matière solide goudronneuses. C’est la nature de ces processus, substances et leur utilisation que j’étudie.

Un liquide non visqueux (plus aqueux) condense dans la cheminée et coûle par un conduit qui me permet de le récupérer. Il est liquide à la température ambiante (environ 10 degré C). Les gens en Corée appelle ça «mok-cho-ek». Le dictionnaire traduit ça par acide pyroligneux, aussi appelé vinaigre de bois (en plus de l’eau, ça contient principalement de l’acide acétique, et du méthanol). C’est traditionnellement utilisé comme traitement pour certaines maladies de peau et pour repousser les insectes pestes en agriculture. Connais-tu? J’en ai vraiment beaucoup, au point où je songe à le redistribuer. Je pense aussi l’utiliser dans mes cultures. Dans ce cas, quelques sont les moyens que je peux prendre pour empêcher la création d’une résistance chez les pestes?

Ma fournaise me fournit aussi cette pâte (qui solidifie à température ambiante) et ce solide goudronneux. C’est certainement de la créosote (un mélange de substances dont des phénols) et de la suie. La créosote pourrait aussi certaines applications si je la raffine («Wood creosote has been used as a disinfectant, a laxative, and a cough treatment (...) and to protect wood.» me dit-ton sur Wikipédia. De plus, le goudron sert à imperméabiliser).

Finalement, je me retrouve avec beaucoup de charbon non brûlé dans le fond de la fournaise. Comme il est en petit morceau, voire en poudre, ille m’est difficile de le faire brûler si bien que je le retire en partie de la fournaise pour y mettre du nouveau bois.

Ces sous-produits apparaissent parce que ma fournaise pyrolyse le bois sans le brûler totalement, selon ce que je viens d’étudier. C’est donc dire que je perds beaucoup d’énergie par cette combustion très incomplète. Néanmoins, c’est en me demandant comment revaloriser sur ma ferme ces sous-produits que j’ai fait cette intéressante découverte : le charbon semble être très utile pour la fertilisation des sols. Non pas par un apport en nutriment mais par ses qualités «structurantes » .
«Le charbon de bois augmente donc bien la fertilité du sol, surtout si une autre source de nutriments est ajoutée, mais par un mécanisme encore mal connu. Les auteurs émettent l'hypothèse qu'il contribue à mieux fixer les nutriments ajoutés par ailleurs, en les empêchant d'être lessivés (donc perdus) dans les sols soumis à une pluviométrie importante et par ailleurs pauvres en argile. » (Article de Wikipédia sur le biocharbon)
Des études ont montré que le charbon était meilleur pour cela que simplement de la biomasse carbonée (litière de forêt par exemple), probablement parce qu’il est plus stable et à cause de sa porosité.
Encore plus surprenant : la «terra preta» (http://fr.wikipedia.org/wiki/Terra_preta). Cette terre créée par l’activité humaine pré-colombienne au Brésil a la propriété de se reproduire : les noyaux de charbon «aromatiques» (malheureusement ne pouvant être fait de charbon d’herbacé) servent à adsorber d’autre carbone dans des molécules très complexes.

Le savais-tu? As-tu déjà entendu parlé d’amendement de sol avec du charbon de bois?

Ce qui m’amène au questionnement suivant : si j’ajoute beaucoup de carbone à ma terre (par l’utilisation d’épaix pailli fait par exemple de litière forestière), est-ce que je ne risque pas une immobilisation de l’azote par une rapport C/N trop élevé? En effet, comme je vise un système plus auto-suffisant, le N sera un facteur limitant surtout si je mets continuellement un pailli épaix, non? Et si oui, pourrais-je contrer cet effet par la transformation de cette biomasse en charbon, plus résistant à la décomposition (métabolisation) faite par la flore du sol? Mon résonnement tient-il?
Ce sera bien sûr du travail de transformer cette biomasse en charbon mais ille ne s’agit que de la faire chauffer (brûler) avec très peu d’oxygène (dans un réservoir ou sous terre.)
Dis-moi ce que tu en penses...

Et toi, te retrouves-tu avec un surplus de biomasse carbonnée? Qu’en fais-tu?
La pyrolyse semble prometteuse pour ce qui est de créer des carburants alternatifs...
«Si on pyrolyse ce genre de biomasse, on obtient des vapeurs, un gaz combustible (gaz de synthèse) et des minéraux solides (recyclables en agriculture) et du charbon de bois utilisable comme amendement (Biochar ou agrobiochar) ou comme combustible (biocharbon) intéressant d'un point de vue écologique.
La maîtrise des flux et des températures permet de récupérer des condensats de vapeurs (dont à température ambiante) pour par exemple produire une huile pyrolytique, qui peut servir de carburant, et peut également fournir quelques produits chimiques comme du phénol. La partie non condensable comprend un mélange de nombreux gaz (CO, CO2, H2, CH4, etc) et peut également servir de combustible. La proportion des différents produits dépend de la matière première mais surtout des conditions de pyrolyse.» (wikipédia, à propos de la pyrolyse).
Sur ce...
Nicolas

Théorie unifiée de l'évolution

Salut les unipopéen-nes!
Jens et moi avons une conversation sur une théorie de l'évolution de l'univers, de la vie et des organisations. Joignez vous-y!
Nic

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Jens a écrit:

La notion que j'aimerais deconstruire est celle de la survie du plus fort (survival of the fittest). Cette maxime de la theorie de l'evolution domine aussi notre univers social et je pense qu'elle est incomplete, voir fausse. L'idee que je veux opposer ou ajouter a la survie du plus fort en est une qui vient de Ronald Fisher (un type freak qui etait un aussi un defenseur de l'eugenie, theorie a laquelle je n'adhere pas du tout). Elle se resume (en anglais) par: The better adapted you are, the less adaptable you tend to be. En gros ce que R. Fisher dit est que les especes qui sont tres bien adaptees a leur milieu (ex. requins, certains dinosaures a leur epoque, etc..) seront plus vulnerables lorsque surviendra un changement brusque de cet environnement. Selon moi cette observation que je trouve credible et qui, selon moi, s'applique aussi a des grandes institutions et courants de pensee, est en legere contradition avec l'idee de la survie du plus fort.

Je ne suis pas certain de la raison de cette contradiction (peut-etre apparente). En gros, il semble que les toutes les organismes (et j'inclus ici les especes vivantes) tres bien adaptes a leur environnement, et donc plus forts que leur competiteurs immediats, developpent des facons de faire tres rigides. On peut aussi dire que ces organismes se regulent de facon tres precise mais aussi qu'ils developpent un tas de mecanismes de protection qui les empecheront ensuite de progresser.

Je ne suis pas encore certain du format du texte mais j'ai l'impression que quelque part la dedans se cache certains principes generaux qui peuvent s'appliquer a plusieurs cas d'auto-organisation et d'evolution.

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Suite à quoi je rajoute:

Connais-tu la théorie (métaphore) de la «panarchie» («panarchy» en anglais)? Elle m'a été présentée par un livre du même titre (Panarchy) où sont regroupés les essais de scientifiques de diverses disciplines, dont la biologie et la gestion (en ce qui a trait aux transformations des organisations sociales, comme tu l'as aussi remarqué). Un élément clé qu'illes proposent est une partie complémentaire au phénomène de la croissance (croissance des individues, des espèces, des systèmes, des organisations; évolution): une phase de destruction et réassemblage chaotique qui referme la boucle et initie un nouveau cycle de croissance. Toujours selon cette théorie, et comme tu l'as aussi décrit, chaque phase de croissance se caractériserait premièrement par une sous-phase durant laquelle les ressources (ou opportunitées) sont abondantes: des innovations peuvent apparaître. Puis, dans la deuxième sous-phase, certains organismes (individus, espèces, etc.) qui sont plus «adaptés» pour compétionner, par une augmentation de l'efficacité avec laquelle ils prennent, utilisent, conservent, voire monopolisent les ressources, peuvent en venir à dominer. Ce développement se produit au coût de la perte de ce que ces auteur-es appelent la résilience. Cette perte de résilience est comme une variable invisible, en suspens, potentielle: le système «adapté» devient plus vulnérable à une destruction soudaine car il s'est de plus en plus isolé de son environnement. Il a évolué une capacité à faire fi des variations plus petites (plus subtiles) de son environnement. Donc, le signal capable de faire varier le système en devient un qui doit être de plus en plus fort. Arrive un seuil où la force du signal nécessaire pour faire réagir le système cause le déclenchement d'une réaction en chaîne: la phase de destruction-réassemblage débute. C'est ce qu'illes appelent «the back loop», c'est le chaos qui va engendrer de nouvelles possibilités. C'est la partie la plus subtile, la plus difficile à prédire et donc celle qui a été ignorée par les théories scientifiques qui ont focusé seulement sur la croissance, la compétition pour la survie du plus adapté, etc. En fait, c'est comme si ces théories, par leur efficacité à prédire (et leur application pour contrôler!), se comportaient comme ces systèmes monopolisants qui finissent par atteindre un seuil par la perte de leur résilience.

Un autre aspect clé pour comprendre ce cycle de création-destruction serait que chaque cycle (de chaque organisme, individu, espèce, etc.) est niché («embedded») dans une mosaïque d'une multitude d'autres cycles, à la même échelle, en parallèle, et à des échelles plus petites et plus grandes. Les cycles à plus grandes échelles seraient aussi plus lents, donc comme stabilisants du point de vue des cycles plus petits. Inversement, les cycles plus petits (plus nombreux) peuvent être compris comme étant plus rapides et donc comme la source de l'innovation et de la diversité du point de vue des cycles plus grands.

J'espère que tu comprends ce que je viens d'écrire et que ça te soit utile pour la synthèse que tu prépares.

Je viens de te trouver un super article (je n'ai lu que le résumé mais je pense à le lire en entier): http://www.ecologyandsociety.org/vol9/iss2/art5/
Les auteur-es de la théorie de la panarchie ont aussi créé un réseau de recherche, «Resilience Alliance» (http://www.resalliance.org/), qui cherche à découvrir et promouvoir les implications de ces concepts pour la durabilité des systèmes biologiques et sociaux.

Vive la panarchie!
Continuons à partager nos réflexions pour faire avancer cette recherche.
J'en cherche les applications concrètes dans ma vie, par exemple pour ce qui a trait à la production de nourriture, la vie en communauté et l'organisation politique.